Nous sommes habitués à entendre parler des pesticides quant à l’agriculture, à notre vie quotidienne et très au fait des conséquences de ces produits sur les mammifères terrestres, dont nous faisons partie. Mais nous ne sommes pas informés quant aux dégâts qu’ils peuvent produire sur les mammifères marins. En effet, les traitements utilisés au niveau des zones de culture terrestres s’infiltrent et se propagent le long du circuit d’eau pour atteindre les zones côtières et donc le grand large.
Les mammifères sont pourvus d’un gène (PON1) induisant la production de protéines décomposant certains produits chimiques toxiques. Certes au départ sa fonction était dirigée vers la dégradation d’acides gras trouvés dans la nourriture. Or il s’est avéré que son activité s’est déviée depuis quelques dizaines d’années lui permettant de dégrader des organophosphates toxiques.
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Méthodes et résultats
Une étude de W. K. Meyer (Université de Pittsburgh) et son équipe a révélé que chez les mammifères marins, tels que les lamantins, dauphins, baleines, le gène PON1 était non fonctionnel (ne produit pas de protéines, ici) de par la multiplication de mutations qu’il a subi.
Ce constat fut établi par comparaison de 5 échantillons de sang de mammifères terrestres (chèvre, mouton, furet, rat, souris) et 6 de mammifères marins (dauphin, lamantin, lion de mer, éléphant de mer, morse, castor), par rapport à deux pesticides (chlorpyriphos et diazinon). Le castor étant un mammifère semi-aquatique son intégration dans l’étude comparative terrestre/marin est pertinente.
Ils confrontèrent l’activité du gène, c’est-à-dire la production de protéines permettant la dégradation des molécules des pesticides, à travers ce panel d’espèces. En d’autres termes, plus l’activité est grande, plus les molécules toxiques sont dégradées et disparaissent du sang.
Pour les espèces terrestres, le taux de molécules toxiques montrait une diminution avec le temps. Mais pour les espèces marines, il restait sensiblement similaire. Le résultat fut le même pour une souris dont le gène avait été inactivé artificiellement. Elle était incapable de dégrader ces molécules, tout comme les mammifères marins.

L’équipe apprécia aussi ces échantillons de sang au niveau génétique pour établir la carte des mutations, c’est-à-dire repérer et identifier les mutations affectant la fonctionnalité du gène. Ceci permit de poser des hypothèses sur l’origine des différences entres les mammifères marins et les mammifères terrestres pour PON1 et de les dater.
Conclusions
Les mutations de PON1, aboutissant à son rôle de “gène fantôme”, datent de 64 à 21 millions d’années. Les chercheurs supputent que le retour à la mer des ancêtres de nos mammifères marins actuels en serait la cause, du fait d’un changement de régime alimentaire et de pressions de sélection différentes. Ceci expliquerait donc pourquoi le gène, chez les mammifères terrestres, serait resté fonctionnel. Le gène a évolué en réponse à un environnement oxydatif différent au niveau sanguin pour les mammifères marins. Cette adaptation apparaissait comme un avantage évolutif jusqu’à ce que les organophosphates entrent dans l’équation.
Le bilan est dramatique quant aux répercussions sur la faune marine, la mettant encore un peu plus en danger et dans une situation critique. Cette perte de fonctionnalité rend vulnérable les mammifères marins face aux pesticides.
Bien que ce type de produits ne perdurent pas aussi longtemps dans l’environnement que le DDT, par exemple, son entrée est permanente dans les écosystèmes, malgré des législations plus ou moins strictes (par exemple le diazinon est interdit aux Etats-Unis pour un usage domestique mais autorisé pour les travaux agricoles !). Les risques qui en découlent ne sont pas négligeables. Ces molécules sont des neuro-toxines risquant de s’accumuler dans les organismes et de remonter la chaîne alimentaire, voir de passer aux générations suivantes via l’allaitement des juvéniles. Il manque encore des données sur les conséquences potentielles de ces pesticides sur le monde marin, la découverte étant récente. Et même si les données étaient là et les produits interdits, nous savons tous, malheureusement, que ce sera long avant qu’il y ait une véritable prise de conscience et que l’utilisation de ces produits soient réellement abandonnée.
W. K. Meyere et al., 2018, Ancient convergent losses of Paraoxonase 1 yield potential risks for modern marine mammals, Science, Vol. 361, Issue 6402, pp. 591-594 (DOI: 10.1126/science.aap7714 )
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