Un continent de déchets bien plus épais que prévu

Continent de déchets, 7e ou 8e continent selon que l’on considère le 7e continent Zealandia ou que l’on sépare l’Europe de l’Asie, il n’en reste pas moins une surface gigantesque flottant sur les océans du fait des activités humaines. Sa surface impressionnante ne serait que la partie émergée de la pollution….

Une étude vient de paraître, menée par C. A. Choy et al. de l’université de Californie, laissant entrevoir l’ampleur de la pollution due aux micro plastiques dans nos océans.
Cette pollution est bien connue dans les environnements marins et les niveaux trophiques de profondeur modérée (moins de 100 m). Les premiers débris de plastique dans le Pacifique furent observés dès les années 1970. La production et l’utilisation continuelle ainsi que le non traitement des déchets ont engendrés une pollution extraordinaire.
Outre les drames, subis par les espèces marines, d’ingestion de plastique et d’enchevêtrement dans les débris, les conséquences sur notre santé lors d’ingestion de produits contaminés (poissons et fruits de mers) ne sont pas encore connus. La préoccupation écologique de cette pollution est bien réelle.

Le plus grand réseau trophique et écosystémique qui existe est celui des eaux pélagiques, et là il y a un manque de données évident et paralysant la mise en place des plans de conservation et de protection de la biodiversité. Des recherches ont révélées la présence des micro plastiques chez des animaux pélagiques et même des boues des grands fonds mais le mécanisme amenant cette pollution à ces profondeurs reste méconnu.
Il existe quelques études concernant le passage des micro plastiques à travers l’écosystème et le réseau trophique dans la colonne d’eau de moins de 100 m, via l’ingestion et l’excrétion de ces débris par des organismes filtreurs. Toutes les mesures et les analyses ont été effectuées dans les eaux de surfaces. L’enjeu des recherches à mener est de pouvoir pallier les contraintes liées au milieu d’observation et d’atteindre les eaux profondes pour comprendre le cycle de pollution et l’impact écologique véritable. Sans étude minutieuse et précise, aucun plan d’action ne peut être déterminé en surface.

Il existe des actions pour tenter de restreindre la pollution en nettoyant la surface des mers, avec plus ou moins de succès : expédition pour collecter les déchets ou pose d’une énorme barrière à déchets provoquant d’autres problèmes écologiques sur les espèces marines comme les tortues prises au piège. Mais la pollution qui s’est insinuée dans les réseaux trophiques des eaux pélagiques est un défi de taille à relever.

Etude

Monterey (en rouge), Californie centrale
(c) Wikipedia

L’équipe de Choy et al. s’est intéressée à deux sites de la baie de Monterey en Californie centrale. Le premier proche de la côte permet de témoigner de la pollution induite par les activités humaines du continent (agriculture, zone résidentielle). La seconde se situe près d’un canyon sous marin, permettant d’avoir un aperçu du réseau pélagique.
Les mesures ont concernées la concentration en plastique de l’eau, mais aussi l’identification de tous les êtres vivants constituant les différents niveaux de profondeurs étudiés, et la teneur en plastique qu’ils renfermaient.

A. Matériel d’étude. B. Répartition des particules de plastiques le long de la colonne d’eau.
Choy et al. (2019)

Il est apparu que la zone contenant le plus de particules de plastiques est située entre 100 et 500 m (zone mésopélagique), ce que l’on distingue nettement par la zone grise sur le graphique ci-dessus. Les animaux intégrant les micro particules sont les larvaciens (organismes filtreurs) et les crabes rouges pélagiques. Leurs aires de répartition correspondent aux zones où le plus fort taux de pollution est déterminé.
Ces deux espèces entre dans la composition d’un réseau trophique important. Les crabes sont l’une des nourritures d’espèces vivant en eaux de surface comme la baleine, la tortue de mer, les oiseaux marins et les larvaciens par des animaux benthiques. La circulation de ces proies se fait via les courants d’upwelling ou downwelling, les amenant en surface ou plus en profondeur.
De plus, les pastilles fécales des larves tombent à une vitesse de 300 m par jour, emportant des débris plastiques dans les grands fonds. On commence à entrevoir alors le cycle général de la pollution sous marine, contaminant tout les niveaux d’un réseau trophique et finissant par contaminer également l’espèce humaine lors de la consommation d’animaux marins.

Une autre conclusion surprenante tient en l’analyse de la composition chimique des plastiques. La majorité des micro débris proviennent des bouteilles, des emballages et des vêtements, contrairement aux déchets issus de l’industrie de la pêche (filets, …), représentant une part plus faible.

Des idées pour réduire la pollution

Le nettoyage systématique des côtes permet d’éviter qu’un nombre important de déchets ne finissent à la mer.
Sur le même principe, nettoyer les bras d’eau qui finissent dans l’océan, à l’image de Baltimore qui a installé trois grandes roues à eau sur un bras de la rivière, en amont du port, pour intercepter les déchets avant qu’ils ne puissent rejoindre le large.
Le bannissement des sacs plastiques dans les commerces est un moyen efficace, encore faut-il qu’il soit respecté.
Enfin le recyclage doit devenir systématique et concerné de plus en plus de produits, pour rompre le cycle de la pollution.

Roue à eau, Mr. Trash Wheel, Baltimore
(c) Flickr

Conclusion

La pollution plastique est donc beaucoup plus étendue en terme de profondeur que ce que nous laisse penser les débris flottant. Cette pollution s’insinue à tous les niveaux trophiques et empoissonne tout un écosystème. Ces études ne se sont cantonnées qu’à une colonne d’eau n’allant pas jusqu’aux plaines abyssales. L’ampleur de la pollution est gigantesque. Le drame est que la génération “plastique” ne semble pas vouloir finir et l’afflux de cette matière dans l’océan ne s’arrêtera pas rapidement.

Il y a un besoin certain d’études à d’autres profondeurs et autres localisations pour comprendre le fonctionnement du cycle de la pollution et le déplacement de la pollution en profondeur. Cette compréhension permettra de mettre en oeuvre des plans de préservation en surface et pallier, en amont, au mieux les conséquences désastreuses de nos activités.

C.A. Choy et al. (2019) The vertical distribution and biological transport of marine microplastics across the epipelagic and mesopelagic water columnScientific Reports. Publié le 6 juin 2019. doi: 10.1038/s41598-019-44117-2.

Laisser un commentaire