Les océans nous fascinent et nous terrorisent, ils nourrissent les fantasmes depuis des siècles. Ils renferment des phénomènes encore inexpliqués, des créatures à peine découvertes, un monde englouti… Ils représentent la plus vaste étendue sauvage du globe. On peut dire que c’est un désert aquatique, en surface…
Le banquet marin le plus gigantesque au monde
Mais de temps en temps une oasis se forme, la nouvelle se répand à la vitesse de l’éclair.
Au large des côtes californiennes, dans le Pacifique, des centaines de dauphins font route vers un festin. Mais ce ne sont pas les seuls, des centaines d’otaries (Zalophus californianus) nagent dans la même direction. Une inflorescence d’algues a eu lieu, c’est une explosion de vie, et de phytoplancton, nourriture dont raffolent les anchois. C’est donc des millions d’anchois (Engraulis Mordax) qui se trouvent rassemblés en une véritable marée noire, il s’agit du plus grand banc de poissons au monde !
Banc d’anchois
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Les dauphins poussent les anchois à la surface et les oiseaux se servent au passage, mais ils doivent faire vite, car des animaux plus grands et plus gourmands arrivent et ne feront qu’une bouchée de ces poissons, les fameuses baleines à bosse (Megaptera novaeangliae).
Cette abondance de nourriture est de courte durée. En effet, les jours raccourcissent à la sortie de l’été et le phytoplancton se fait rare sans lumière. Les poissons vont bientôt se disperser.
L’union fait la force
Thon jaune
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Certains prédateurs sont plus efficaces en chassant à plusieurs. C’est le cas pour les otaries (Zalophus wollebaeki) de l’archipel des Galapagos.
Les mâles célibataires chassent à plusieurs les thons jaunes (Thunnus albacares) ayant une vitesse de pointe de 60km/h et pesant jusqu’à 100 kg. Ils n’ont aucune chance s’ils chassent en solitaire. Leur stratégie ?
Ils s’unissent pour entraîner les thons jaunes dans un guet-apens, ils les encerclent et les diriger vers le fond de la crique où ils se retrouvent piégés, une otarie reste en sentinelle afin de repousser les thons jaunes qui tentent de s’échapper. Puis ils n’ont plus qu’à se servir. Les otaries, dans ce contexte, montrent de grandes capacités d’observation et d’anticipation.
Les grands dauphins (Tursiops truncatus) vivent en groupe et chassent à plusieurs. Au large du Costa Rica, un grand rassemblement de poissons lanternes (Myctophidés) s’organise. C’est l’espèce la plus nombreuse à vivre dans la mer, elle représente 90% de la biomasse des profondeurs abyssales. Petite précision, on ne parle pas de la baudroie (Lophius piscatorius) du Monde de Némo !
Myctophidae
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C’est une occasion unique de se nourrir pour plusieurs animaux. Les dauphins les repèrent grâce à l’écholocalisation. Ils glissent sous le banc pour le pousser à la surface et resserrer la formation. Ils doivent agir vite car d’autre prédateurs arrivent, comme les raies mobula, les thons jaunes et même un espadon. De plus les poissons lanternes peuvent à tout moment rompre la formation et retourner dans les profondeurs.
Compétition entre prédateurs
Poisson Garibladi
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Les forêts de kelp, comme nous l’avons vu en première partie, forment un environnement extrêmement riche en vie et en biodiversité. C’est donc naturellement que la compétition entre les espèces prédatrices est forte. C’est le cas pour le poisson Garibaldi (Hypsypopsrubicundus), ce petit poisson à la robe toute rouge orangée, entretient minutieusement son minuscule coin de rocher en harmonie avec les minuscules poissons qui y vivent. Il chasse les intrus qui osent manger chez lui, qu’ils soient petits ou gros.
Mais le plus coriace d’entre eux est l’oursin (le retour !). Ils envahissent le rocher pour manger la végétation et reviennent sans cesse. Notre poison Garibaldi ne se laisse pas refroidir par les nombreux piquant de l’oursin. Il s’en saisit par les dits-piquants, avec délicatesse et l’emmène plus loin. Il recommence jusqu’à avoir enlevé tous les oursins, ces derniers se déplaçant en groupe. Cependant à la nuit tombée, le poisson doit s’arrêter pour se reposer et surtout se cacher car la nuit venue, les prédateurs rodent dans les forêts sous-marines, comme la raie électrique (Torpedo) avec sa décharge de 45V !
Le mystère du requin baleine, dame des mers
C’est le plus gros poisson de l’océan, il pèse 20 tonnes et est long comme un petit avion. C’est un exemple d’endurance et de vélocité.
Un des aspects les plus méconnus et fascinants du requin baleine (Rhincodon typus) est la mise-bas. En effet il ne pond pas d’œufs, la femelle les porte dans son ventre où ils éclosent. Elle peut porter jusqu’à 300 œufs. Il semblerait que la mise-bas se fasse dans l’archipel des Galapagos, où un grand nombre de requins se rassemble, notamment aux abords des îles Darwin, là où les courant sont riches en nutriments, remontant des abysses. Ceux-ci attirent de nombreuses espèces de poissons.
Requin baleine et son petit
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Des milliers de requin marteau sont présents également autour des îlots. Quand les femelles requins baleine arrivent, un accueil extraordinaire leur est réservé : les requins soyeux (Carcharhinus falciformis) viennent se frotter à leur peau dure comme pour présenter leur hommage (évidemment il est plus probable que ce soit pour enlever leurs parasites !). Pour être en paix avec ses petits, le requin baleine plonge jusqu’à 600m de profondeur. Les scientifiques supposent alors c’est dans les profondeurs que la femelle donne naissance à ses petits mais personne n’a encore vu les petits.
Dévouement parental pour les générations futures
C’est également dans l’archipel des Galapagos que vit la plus belle éponge au monde, la corbeille de Vénus (Euplectella aspergilum). Mais un drame se joue ici depuis des millions d’années, cette magnifique éponge se transforme en prison. Son squelette de silice protège les petites crevettes (Spongicola venusta), qui s’y sont installées. En échange les crevettes la nettoient. Si ces dernières peuvent rentrer dans l’éponge quand elles sont jeunes, une fois adultes elles ne peuvent plus sortir, elles sont trop grandes. Elles sont emmurées vivantes. Elles s’y reproduisent néanmoins et les petits peuvent passer au travers des interstices de l’éponge et aller coloniser d’autres éponges. Les adultes restent prisonniers de la silice.
Corbeille de Venus
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Les dragons de mer communs (Phyllopteryx taeniolatus) se rencontrent dans les fonds marins australiens. Ce sont des animaux proches des hippocampes. Les mâles portent les petits sur leurs abdomens. Pour se nourrir ils doivent quitter les forêts d’algues, au risque de rencontrer un prédateur et de mettre en péril les générations futures. Ils se mettent en quête de nuées de crevettes minuscules (muscilacées). Plusieurs mâles se regroupent, comme synchronisés. Ils regagneront leur abri forestier une fois les œufs éclos, et redeviendront invisibles.
Dragon de mers commun
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Chez les cachalots (Physeter macrocephalus), c’est la femelle qui s’occupe de son petit. Ce dernier se nourrit uniquement du lait de sa mère, qui est le lait est le plus riche du règne animal. C’est pourquoi elle doit manger régulièrement et plonge alors profondément à la recherche des calamars dont elle se nourrit. Elle repousse son endurance pour son petit. Elle prend plusieurs inspirations pour faire le plein d’oxygène et plonge, son petit essaie de la suivre mais à 300m de profondeur, le petit renonce et remonte. Il attend alors seul et vulnérable, sa mère remontera au bout d’un heure avec l’estomac plein de calamars.
Albatros hurleur
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Le plus grand voyageur du globe est l’albatros hurleur (Diomedea exulans), il peut passer près d’un an à survoler l’océan sans escale. Les partenaires de vie restent les mêmes jusqu’au bout et nichent toujours dans le même nid. Ils s’occupent énormément de leur petit, bravant le froid et les tempêtes hivernales pour leur apporter de la nourriture. Au bout de 130 jours, les plumes de vol apparaissent et à neuf mois, les petits sont prêts à prendre leur envol. Les parents partent une ultime fois en mer et y meurent quand ils sont vieux.
Les tortues marines et leurs secrets…
Les tortues marines (super-famille des Chelonioidea) se retrouvent livrées à elles-mêmes dès leur naissance, et lors des premières années leur trajet reste un mystère. Si on sait qu’elles se gorgent de plancton dès leur naissance, elles doivent rapidement trouver une autre source de nourriture plus consistante. Mais les dangers sont grands dans l’océan pour une petite tortue et il semblerait que les jeunes tortues s’intéressent à tout ce qui flotte comme une souche, qui peut alors servir d’abri et de foyer. Les objets flottants deviennent des refuges pour des communautés entières regroupant des algues, des berniques, des poissons, des tortues. Ces regroupements attirent de jeunes prédateurs, de jeunes requins soyeux, qui goûtent à tout ne sachant pas encore ce qui est comestible. Les jeunes tortues restent vivre avec ces communautés isolées jusqu’à l’âge adulte.
La vie dans une cité sous-marine
Dans les eaux peu profondes, de véritables communautés se mettent en place, et les habitants sont hauts en couleurs. Quand le soleil se lève, il est accueilli par les chants de toutes ces créatures, qui ont chacune leur fonction. Par exemple, les concombres de mers sont des charognards et les poissons perroquets produisent du sable en broyant les gros débris de coraux pour atteindre les polypes.
Tortues vertes
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A Bornéo, les tortues vertes (Chelonia mydas) se regroupent autour d’un rocher qui est près de la surface. Elles peuvent parcourir de longues distances sur le récif pour atteindre cet objectif. Une sorte de ballet aquatique s’instaure avec les blennies (Blenniidae) et les poissons chirurgiens (Acanthuridae) qui viennent débarrasser la carapace des tortues, des parasites et des algues. C’est « l’institut de beauté de la mer ». On peut même apercevoir des tortues s’endormir.
Les barrières de corail sont donc des refuges pour nombre d’espèces, des lieux pour se reposer.
Les grands dauphins (Tursiops truncatus), après une sortie de pêche s’y reposent, pour ce qui est des petits et des adultes. Les adolescents, quant à eux, partent en exploration et inventent des jeux qui les aident à développer agilité et coordination dont ils auront besoin pour chasser.
Dans un lagon des Maldives, des raies manta géantes (Manta birostris), près de trois mètres d’envergure, se regroupent. Elles possèdent une énorme bouche qui filtre le plancton pris au piège du lagon. Elles forment une spirale qui emprisonne le plancton au centre, comme un cyclone.
Avec la marée le plancton se disperse et les raies quittent le lagon.
Raie manta
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Les coraux créent un monde fabuleux dont dépendent une multitude de créatures marines. Mais ces écosystèmes sont extrêmement fragiles à cause du réchauffement climatique. Les algues contiennent des pigments qui sont détruits et les coraux perdent alors leur couleur. Ils sont condamnés à mourir. Les cherchent estiment que la moitié des récifs mondiaux est concernée, notamment les deux tiers de la grande barrière de corail en Australie.
Ces cités multicolores et surpeuplées ne seront plus qu’un souvenir d’ici la fin du XXIe siècle.
Une oasis inespérée
Le requin bleu (Prionace glauca) peut parcourir 8000 km par an en se laissant porter par les courants grâce à ses nageoires en forme d’ailes. Il flaire de très loin l’odeur de ses proies. En effet le voyage pour les atteindre peut durer plusieurs jours. Il arrive enfin au but, une carcasse de baleine heurtée par un bateau. Mais notre requin bleu doit approcher avec prudence car un grand requin blanc (Carcharodon carcharias) est déjà sur place. Puis d’autres requins bleus affluent au fur et à mesure que l’huile de baleine se répand. La dépouille sera entièrement nettoyée en quelques jours. Un requin bleu rassasié peut survivre deux mois sans manger.
La carcasse de la baleine sombre au fond de l’océan. C’est une aubaine pour les créatures des abysses. La présence de cette oasis de nourriture est rapidement détectée. Le requin griset (Hexanchus griseus), aussi gros qu’un gros requin blanc, possède un odorat sur développé.
12h après l’arrivée de la carcasse ils sont déjà sept requins, se battant pour avoir une part. 24h plus tard, un tiers de la carcasse est dévorée. Un festin comme celui-ci peut faire tenir une année entière un requin griset.
Puis c’est au tour de l’équipe de nettoyage de prendre le relais, crabes, araignée et compagnie…
Un mois plus tard, 30 espèces de charognards cohabitent mais attirent aussi leurs propres prédateurs, les sabres noirs (Aphanopus carbo).
4 mois plus tard, il ne reste plus que les ossements de la baleine.
Drôle de paradoxe : être un poisson et avoir peur de l’eau
Certaines blennies (Alticus arnoldorum) vivent sur les rochers, ils ont quitté le monde aquatique et se nourrissent d’algues. Même s’ils se sont affranchis du milieu aquatique, ils doivent rester humide constamment car leur respiration se fait par la peau. Pour des poissons, ce sont de piètres nageurs et ils ont peur de l’eau. Ils sautent sur les rochers pour se déplacer. Pour ce qui est de la reproduction, le mâle attire la femelle par une danse nuptiale, en se tortillant, pour qu’elle s’installe dans sa grotte et y ponde les œufs. Le mâle viendra ensuite les féconder.
Blennies
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Dans les abysses… la vie
Ils sont tapissés d’une couche de vase de plus de 1000m d’épaisseur, ils représentent la moitié de la surface de notre planète, et abritent des créatures aussi uniques qu’étranges.
Parmi ces habitant, il y a le crapaud de mer ou chaunax (Chaunax stigmaeus). C’est un prédateur d’embuscade avec une énorme bouche et une patience infinie. Il n’a pas de nageoire mais des pattes, il arpente les fonds marins.
Les pieuvres planent à quelques cm du fond et fouillent la vase à la recherche de vers.
Les rochers offrent un point d’ancrage à des coraux des profondeurs. A 6km de profondeur, il y a davantage de coraux que sur les récifs tropicaux. Etant privés de lumière, ils se nourrissent de particules dérivantes. Ils grandissent que de quelques mm par ans et peuvent vivre jusqu’à 4000 ans pour certains.
Avec le temps, la matière organique se décompose et produit du méthane. Au golfe du Mexique, des cratères se forment après l’explosion du méthane et se remplissent d’eaux plus denses que l’océan. Ces cratères constituent d’immenses lacs de saumure sur les fonds océaniques, jusqu’à 15m de profondeur. Leurs rives grouillent de vie, on peut rencontrer notamment des moules géantes qui ont parfois plus d’un siècle. Des anguilles égorgées (Synaphobranchidae) rodent, ce sont des charognards. Elles s’aventurent dans le lac salé à leurs risques et périls. En effet elles peuvent être victimes, à tout moment, d’un choc toxique du fait de la composition différentes des deux eaux et en mourir.
Les cheminées hydrothermales rejettent des eaux bouillonnantes et des gaz dissous du fait des mouvements des plaques tectoniques.Ces monts hydrothermaux évacuent donc une partie de la chaleur interne de la Terre. Ce sont de véritable oasis, abritant autant de vie qu’une forêt tropicale.
C’est en étudiant ces édifices que les chercheurs touchent du doigts l’origine de la vie. En effet, autour des cheminées des fumeurs se forment des hydrocarbures, prémices de la vie. C’est bien dans l’eau que la réponse se trouve. Des mers profondes ont été découvertes sur la Lune, Jupiter et Saturne. Si la vie existe dans ces conditions extrêmes dans les océans, il est censé de croire qu’elle peut exister ailleurs, sur d’autres planètes dans l’univers…
[…] lieux et période critiques pour nos activités de pêche par exemple ou voies maritimes. Dans un précédent article je faisais déjà mention de ces phases de repos des tortues vertes notamment près de Bornéo, […]