La parité, sujet d’actualité brûlant pour nos sociétés humaines, a aussi sa place en sciences naturelles. Effectivement chez les ongulés les recherches sur la période d’accouplement sont nombreuses mais toujours du point de vue du succès reproducteur des mâles. Mais qu’en est-il des femelles ? Ont-elles des techniques quant au choix de leurs partenaires ?
L’équipe de recherche à voulu savoir si les coûts de reproduction et/ou l’expérience des femelles avait un impact quant à leurs choix et donc leur mécanisme de sélection du partenaire idéal. En effet, le succès reproducteur des mâles est fortement étudié alors que les femelles, qui ont des contraintes importantes en terme de nourriture et de soins à apporter aux jeunes, une fois la saison de reproduction passée, ne sont pas autant analysées. De plus, les mâles ne participent aucunement aux soins des petits.
Les coût de reproduction prend en compte pour les femelles daim le temps passé à choisir le mâle. Cette espèce d’ongulés forme, en période d’accouplement, des zones de lek, c’est à dire des rassemblements de population où les mâles présentent leur meilleur atout lors d’affrontement, et les femelles en choisissent. Mais toutes les femelles ne vivent pas au même endroit, il y a donc déjà là un coût non négligeable du voyage jusqu’à l’aire de parade pour certaines d’entre elles, ainsi que le risque encouru par le trajet (prédation ou accident). Le temps passé dans cette zone les empêche également de se nourrir.
Il existe deux grandes façon de sélections, soit directe en évaluant le phénotype, soit indirecte reposant sur des caractéristiques ne se basant pas sur les attributs phénotypiques. En quoi consiste alors cette stratégie indirecte ?
Femelles daim rassemblées (Dama dama), Hampton
Geograph (c)
Hypothèses et dynamique des zones de lek
Trois hypothèses mises à l’épreuve
- H1 = les femelles proches de la zone de parade et/ou plus âgées recourent à l’évaluation directe du partenaire, contrairement aux plus jeunes et à celles qui sont éloignées.
- H2 = les tactiques secondaires permettent de réduire les coûts de reproduction pour les femelles loin de l’aire de parade et/ou plus jeunes, via trois mécanismes de sélection (agrégation, copie, choix territorial).
- H3 = les tactiques secondaires permettent d’augmenter la précision dans le choix du partenaires par les femelles lointaines et sans expérience, voir un meilleur choix que par l’évaluation directe qu’elles auraient pu effectuer.
- agrégation = les femelles se joignent à un groupe de femelles déjà formé
- copie = les femelles imitent le choix de partenaires d’autres femelles
- choix territorial = les femelles sélectionnent un territoire où il y a déjà eu succès reproducteur
Les trois mécanismes indirects de sélection qui ont été étudiés :
Les mesures ont été effectués via des colliers émetteurs et la distinction des individus préalablement capturés et marqués. Ils ont relevés les positions des individus régulièrement, en dehors et pendant la saison de reproduction, avec un accroissement des mesures lors de cette période particulière. Les mesure ont permis de déterminer les trajets effectués par les femelles pour rejoindre une aire de parade et déterminé ainsi leurs aires de répartition respectives.
Lors des périodes de reproduction des donnée supplémentaires d’observations directes des femelles furent ajoutées, ainsi que la date d’arrivée dans la zone et le nombre de visites.
Que ressort-il de l’étude ?
Il y a une grande asymétrie concernant le succès reproducteur des mâles, variant chaque année. Seule une petite partie des mâles participe activement à la reproduction. Ils fréquentent la zone de lek du début à la fin, contrairement aux femelles qui semblent ne se présenter qu’autour du pic de reproduction.
Les femelles proche du lek, visitent plus fréquemment cette région que celles vivant plus loin. Les femelles plus âgées s’accouplent avant les jeunes femelles, et avec des mâles les mieux placés dans la hiérarchie.
Les résultats montrent que les femelles moins expérimentées et/ou vivant loin des lek adoptent des tactiques de sélection secondaires quant au choix de leurs partenaires.
Les femelles les moins expérimentées fréquentent de façon plus assidue les zones de lek même en dehors de leur période d’œstrus, et après l’accouplement. Ce comportement, qui à première vue représente un investissement énergétique énorme et sans gain immédiat, semblerait être surtout un moyen d’apprentissage non négligeable pour ces dernières.
Les femelles les plus jeunes arrivent après les femelles les plus âgées. Rejoignant les conclusions précédentes, elles observent le comportement de ces dernières dans le choix de leurs partenaires, leur donnant une source précieuse d’information et de savoir.
Il faut savoir que les femelles dans un lek, réagissent différemment au stimuli sociaux c’est-à-dire qu’elles peuvent moduler la date d’œstrus* pour la décaler avec le moment le plus propice d’accès au mâle choisi. Et ce qui expliquerait également le fait que les jeunes femelles s’accouplent après les plus âgées.
L’hypothèse H3, suggérant que les tactique secondaires permettraient un choix plus précis du partenaires, n’a pu être démontrée. Les jeunes femelles, si elles s’accouplent, cela se fait avec des mâles de rangs moins élevé que ceux choisis par les femelles avec de l’expérience, sûrement de par leur incapacité à distinguer les meilleurs mâles, mais aussi par leur incapacité à payer les coûts qu’engendre la reproduction avec un mâle de haute qualité (agression avec les autres femelles et soins aux petits).
En conclusion, l’étude suggère que les femelles les plus éloignées d’un lek et/ou les plus jeunes ont recours aux techniques secondaires de choix et notamment le choix du territoire. Les femelles les plus jeunes y passent plus de temps pour acquérir de l’expérience et y reviennent plus souvent que les femelles expérimentées.
A l’inverse les femelles les plus éloignées visitent de manière moins répétée et moins longue le lek. Elles contrebalancent ce fait en passant plus de temps dans des groupes de femelles, donc en usant de la technique de l’agrégation.
Cette étude ouvre donc le champs à un nouveau point de vue concernant le comportement des femelles au sein des populations d’ongulés, formant des lek. Si les mâles misent tout sur le physique, les femelles sont plus stratèges pour leur choix de partenaires…
* Œstrus = chaleurs = rut = période durant laquelle une femelle mammifère est fécondable et recherche l’accouplement en vue de la reproduction.
Imperio, S., Lombardi, S., De Marinis, A. et al. Female mating tactics in lekking fallow deer (Dama dama): experience explains inter-individual variability more than costs. Sci Rep 10, 3598 (2020).
https://doi.org/10.1038/s41598-020-58681-5