Il n’est plus à démontrer l’importance des milieux marins, ni l’impact négatif des activités humaines sur leur écologie fragile. Comment alors minimiser nos impacts ou du moins préserver les zones les plus influentes et primordiales au bon fonctionnement des écosystèmes ? Une étude envisage un nouvel outils, la filature des prédateurs… Chez les poissons aussi nous sommes surveillés….
L’étude publiée par Hindell et al. s’est intéressée plus particulièrement aux eaux du sud, comprises entre l’Amérique du Sud et l’Antarctique, ayant un rôle majeur dans le climat global et la circulation océanique. Ces eaux renferment des prédateurs charismatique et le fameux krill, véritable base des chaînes alimentaires marines. C’est pourquoi cette région est aussi un spot important en termes d’économie humaine via la pêche. Les pressions sur ce milieu sont importantes et les moyens de préserver ces écosystèmes sont par conséquent indiscutables. Encore faut-il savoir quoi préserver et comment. C’est sur ce point que porte l’étude : permettre une meilleure définition des écosystèmes pour mettre en place des programmes de préservation efficace.
Manchot empereur (Aptenodytes forsteri)
Wikipedia (c)
Les prédateurs sur écoute
Hindell et son équipe ont décidé de prendre “en chasse” les prédateurs de leur région d’étude.
En effet le grand avantage des prédateurs, c’est qu’ils circulent dans les écosystèmes mais aussi entre ces derniers, permettant de rendre compte de l’état écologique des milieux qu’ils traversent. Si le milieu est pauvre ils ne s’y attarderont pas, contrairement à un milieu riche en biodiversité et donc potentiellement riche en nourriture pour eux.
Ces données se superposent aux données de la pêche commerciale, mettant en évidence les zones en conflits ou nécessitant des conditions de protection différentes, voire drastiques.
L’illustration ci dessous présente le principe très simplifié.
L’équipe de recherche a analysé plus de 4000 individus de 17 espèces de prédateurs (oiseaux et mammifères) de ces eaux du sud de 1991 à 2016.
Schéma du principe de l’étude pour la mise en évidence des zones de tension à protéger
La zone rouge cerne les trajets les plus fréquents de plusieurs prédateurs
Production personnelle sans donnée
Résultats et conclusion
Sur la totalité des données, l’équipe est restée focalisée sur un nombre de 2823 individus pour élaborer des modèles prédictifs définissant les espaces à haut potentiel pour l’ensemble des prédateurs de la zone.
La démarche est complexe car chaque espèce a un mode de fonctionnement propre, un régime alimentaire particuliers, des déplacements différents. D’où l’importance de générer un modèle applicable aux espèces pour lisser toute les données et faire surgir les zones prioritaires de protection.
Je n’ai pas à rappeler que sous chaque prédateur “top” c’est-à-dire celui qui est le plus haut placé dans la chaîne alimentaire, il y a une cascade d’espèces qui lui sont associées. Un prédateur représente potentiellement un grand nombre d’espèces plus fragiles.
Les régions considérées comme étant des spots de biodiversité sont celles figurant dans les 10% de leur résultats, les 10% des zones les plus riches en prédateurs.
Après comparaison, ils ont conclu qu’elles correspondaient aux régions de plus grande production de krill, base des chaînes alimentaires marines, mais aussi celles qui comportent de très fortes pressions humaines.
Cette remarque fait écho aux besoins de raccorder les différentes aires de protection pour éviter les effets de bords. En d’autres termes, une super protection des espèces au centre ou à l’extérieur des zones de pêche mais des pressions incroyables aux bords de chaque zone. Une reconnexion de toutes les zones permettrait une protection continue et efficace de la biodiversité.
Les zones sans protection entre les zones protégées rendent inefficace la protection des espèces qui doivent passer par ces zones de tension et courir le risque d’être tuées.
Production personnelle
La principale conclusion de l’étude est la nécessité impérieuse de mettre en relation toutes les données existantes sur les prédateurs marins afin de délimiter et de planifier des plans de protection efficaces, mettre en évidence des zones écologiques capitales pour le milieu marin et notre avenir, mais en perpétuelle évolution. Les Nations Unies se penchent sur ce sujet pour favoriser, en fonction des différentes juridictions, un meilleur partenariat scientifique et une protection des hautes mers.
Cette étude sur les mers du Sud est donc le parfait exemple de “comment la science, les politiques et la gestion peuvent interagir pour relever les défis d’une planète en évolution”, selon les auteurs. Nos plans de protection doivent s’ajuster au plus juste de la réalité écologique du Monde.
Hindell, M.A., Reisinger, R.R., Ropert-Coudert, Y. et al. Tracking of marine predators to protect Southern Ocean ecosystems. Nature (2020).
https://doi.org/10.1038/s41586-020-2126-y