Quand il pleut à Hawaï, les volcans se réveillent…

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Une étude publiée le 22 avril 2020 dans la revue Nature, des chercheurs J.-I. Farquharson et F. Amelung, a dévoilé un lien étonnant entre les fortes précipitations qu’a connu l’archipel d’Hawaï en 2018 et la terrible éruption volcanique qui a suivi en mai de la même année.


Il y a deux ans presque jour pour jour, le 3 mai, au sud-est de l’île d’Hawaï (appelée aussi la Grande Île), le volcan Kilauea entra en éruption. Il s’agit d’un jeune volcan bouclier à caractère effusif, de type hawaïen. Son éruption est caractérisée par l’émission de laves fluides dont la majorité se répand en surface, à l’opposé des éruptions explosives qui émettent principalement des laves fragmentées dans l’atmosphère.

Il est sans doute le volcan le plus actif au monde, et joue un rôle prépondérant dans la constitution de l’île, comme tout les autres volcans de point chaud. En effet, la Grande Île porte 5 volcans de point chaud dont deux se sont suffisamment éloignés de la source de magma pour s’éteindre. Trois restent actifs, le Mauna Loa (dernière éruption en 1984), le Hualalai (dernière éruption en 1801) et notre Kilauea.

Cet ensemble de volcans est situé à la verticale d’un point chaud, c’st-à-dire d’une zone de formation de magma provenant du manteau et remontant sous forme de panache le long d’une colonne ascendante. Ce volcanisme est surtout retrouvé au niveau des plaques océaniques. Le point chaud est fixe et peut fonctionner une centaine de millions d’années, c’est la plaque lithosphérique au dessus qui se déplace, progressivement. De manière simplifiée, le point chaud fonctionne de façon sporadique, faisant surgir de nouveaux volcans le long de la plaque en mouvement, qui peuvent engendrer la formation d’îles par leurs activités, voir d’un archipel entier à l’image d’Hawaï (cf. illustration ci dessous).
D’ailleurs l’Île d’Hawaï s’agrandit toujours du fait de l’activité de Kilauea. Dans environ dix mille ans, une nouvelle île verra le jour au niveau de l’archipel par l’activité d’un volcan sous marin de point chaud, au large de la côte sud, Lo’ihi


De fortes précipitations

La dernière éruption du 3 mai 2018 est la plus importante qu’a connu l’île dans les temps modernes. Pendant trois mois la lave s’est écoulée à travers 24 nouvelles fissures, et des fontaines de lave de plus 80 m de haut. La quantité produite représente celle normalement produite en 10 ou 20 ans ! Ce phénomène fut précédé de plusieurs mois de pluie.

L’idée est que l’eau ainsi infiltrée dans la terre a augmenté la pression sur les roches, les rendant très fragiles, créant des zones de résistance plus faibles et permettant la remontée de magma ailleurs que par la colonne principale.

Les précipitations reçues à ce stade de l’année par le mont Kilauea représentent le double de la quantité habituelle. Les roches de cette zone étant extrêmement perméables, l’eau a pu s’infiltrer sur une grande profondeur, augmentant de façon significative la pression souterraine, jusqu’à percée la poche magmatique et faire littéralement exploser le volcan.
La pression a atteint son niveau le plus élevé en 50 ans, multiplié par 10 entre 1 et 3 km de profondeur. Ce principe est celui de la fracturation hydraulique utilisée dans l’industrie des combustibles pour fracturer le sol et laisser s’échapper des combustibles fossiles.

Un nombre important de scientifiques n’adhère cependant pas à cette vision “trop simpliste” des faits. Il aurait pu apparaître que cette éruption fut la conséquence d’un “nouvel arrivage ” de magma dans la zone du rift, mais l’absence de soulèvement caractéristique du sol (ground uplift) poussent les chercheurs de l’étude a éloigner cette hypothèse.
(Il faut savoir que les volcans peuvent être surveillés par satellite au niveau des élévations (ground uplift) et affaissements (ground subsidence) du sol, permettant de prendre le “pouls” des volcans et prévoir leurs activités.)

Un autre point, notifié dans l’article, est qu’en étudiant la chronologie des éruptions de Kilauea depuis 1790, ils se sont rendu compte que 60% de celles-ci se produisaient lors des saisons des pluies, entre mars et août.


Je vous le concède, dire que la pluie réveille les volcans est une conclusion bien trop simpliste, et si tel était le cas, nombre d’autres volcans se réveilleraient de manière plus prévisible avec la météo.
Mais dire que le changement climatique et la dégradation de la Nature, induit par nos activités, sont des facteurs pouvant modifier l’activité des volcans, et d’une manière plus globale le fonctionnement de la Terre n’est pas si absurde. Les exemples commencent à s’accumuler.
Il est urgent de préserver notre planète en modifiant la trajectoire sur laquelle nous sommes.


Farquharson, J.I., Amelung, F. Extreme rainfall triggered the 2018 rift eruption at Kīlauea Volcano. Nature 580, 491–495 (2020)
https://doi.org/10.1038/s41586-020-2172-5