Les tapirs, clés du sauvetage de l’Amazonie ?

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Il n’est plus à démontrer l’impact des activités humaines sur la dégradation de la forêt amazonienne et de la Nature dans sa globalité.
Les forêts du sud-est de l’Amazonie font face à la fragmentation des espaces, aux feux ravageurs et autres catastrophes climatiques extrêmes. Les espèces animales et végétales sont donc vulnérables et la résilience de l’Amazonie en sursis.
Je reviens sur un étude publiée en février 2019 dans Biotropica, à l’occasion de la naissance fin janvier d’un tapir sauvage au Brésil !


Lucas Paolucci et son équipe ont décidé d’étudier le rôle joué par un des plus grands mammifères d’Amérique du Sud : le tapir du Brésil (Tapirus terrestris), dans le fonctionnement de la forêt. Chaque espèce d’un écosystème apporte un rouage indispensable à la bonne santé du milieu dans lequel il vit. Les espèces sont souvent interdépendantes les unes des autres. Ici l’étude cherchait à démontrer le rôle du tapir dans la régénération de la forêt amazonienne meurtrie par les activités humaines.


Jardinier des forêts

Le tapir du Brésil est classé “vulnérable” selon l’UICN, et certaines populations sont éteintes. Malgré son aspect proche du porc sauvage à poil ras, il s’apparente au cheval et au rhinocéros. Il n’a pas de groin mais une trompe courte préhensible faisant office de museau. Il vit de manière solitaire, à part lors des périodes de reproduction. Son activité est principalement nocturne et crépusculaire. Il passe les heures les plus chaudes de la journée dans l’eau ou dans des milieux boueux. Ses prédateurs sont rares face à la dureté de son cuir. Mais l’Homme malheureusement le chasse pour ce cuir solide, il est également victime de l’assèchement des zones humides qu’il fréquente.
Ce mammifère est frugivore, il se délecte de bourgeons, de feuilles, de plantes aquatiques, de baies qu’il cueille avec sa trompe. On dénombre près de 300 espèces différentes faisant partie de son menu. A défaut d’une bonne vision, son odorat et son ouïe sont très bien développés.
Il est surnommé le jardinier de la forêt par son rôle prépondérant dans la dispersion des graines qu’il ingère lors de ses repas et qu’il évacue dans ses fèces sur de longues distances.
Mais le rôle précis du tapir au niveau de la régénération de forêts dégradées n’est pas connu, c’est sur ce point que l’étude se focalise.

Les données utilisées pour l’étude proviennent d’observations de terrains et de pièges photographiques. Avec son équipe, L. Paolucci s’est intéressé à deux spots de forêts dégradés de manière contrôlée pour estimer le rôle de la dispersion des graines par les tapirs dans la régénération de zones dégradées, notamment par le feu. Un des lieu était brûlé chaque année, l’autre tous les trois ans, de 2004 à 2010.
L’analyse des fèces a montré 23 espèces de plantes différentes disséminées à travers les zones d’étude. De plus, ils se sont aperçus que les tapirs déféquaient trois fois plus dans les zones dégradées que les zones qui n’étaient pas touchées.
Ces frugivores dispersent des graines de grande taille qui potentiellement deviennent de grands arbres et permettent le maintien des stocks de carbone forestier. Le tapir jouerait alors indirectement dans la captation du carbone atmosphérique par la forêt.


Suite à l’étude …

Lucas Paolucci retourna sur le terrain à la suite d’un des plus grands feux de forêts qu’a connu l’Amazonie en août 2019, avec la volonté de comprendre, de mesurer l’impact et le rôle clé du tapir dans la restauration de la forêt. Mais le tapir, bien qu’il soit le moteur de la régénération de la forêt, ne peut pas le faire seul. Paolucci avait déjà étudié le rôle des fourmis dans le fonctionnement de cet écosystème perturbé.
C’est donc sur le “partenariat” entre les insectes et les tapirs qu’il se penche à nouveau.
Il récolte des déjections de tapirs contenant les graines qui seront alors exploitées par les insectes. Il y place des billes de la taille des graines, en un nombre connu puis replace ces échantillons dans la nature. Après 24h il compare ce qui reste en billes dans les fèces. Celles qui manque ont potentiellement été transportées par des insectes comme les coléoptères. Ces derniers vont alors favoriser la germination et l’implantation dans le milieu de nouveaux végétaux. Les données de ces expérimentations devraient être connues courant 2021.


Conclusion

Le jeu coordonné de deux acteurs, tapirs et insectes, redonne espoir dans l’avenir de la forêt amazonienne, et permettrait de pallier au processus de dégradation anthropogénique. L’Amazonie aura perdu 7% supplémentaires en superficie d’ici 2030 si les taux de déforestation restent identiques.
La naissance du bébé tapir en janvier renforce l’espoir de régénérer la forêt amazonienne, véritable poumon de la Terre. L’étude et la protection de ce mammifère deviennent de ce fait des enjeux majeurs dans les programmes de préservation des forêts d’Amérique du Sud.

N.B. : Le cousin de notre tapir du Brésil, le tapir de Malaisie (Tapirus indicus), que vous pouvez admirer au zoo de Beauval et à la ménagerie du Jardin des Plantes de Paris, fait partie d’un programme d’élevage européen, car menacé d’extinction dans son milieu naturel. Là-bas aussi son rôle dans la régénération des forêts, dégradées par les activités anthropogéniques, est primordial. Sa protection est un enjeu qui dépasse les limites de son milieu naturel.

L. Paolucci et al. Lowland tapirs facilitate seed dispersal in degraded Amazonian forestsBiotropica, Vol. 51, March 2019, p. 245. doi:10.1111/btp.12627.