La taille du cerveau, une question qui ne cesse de diviser

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“Avoir un gros cerveau” dans l’évolution implique implicitement un degré d’évolution élevé, des capacités cérébrales importantes. Mais l’influence épigénétique sur le développement cérébral reste un point à éclaircir, car si des données abondent pour l’hypothèse du cerveau social, d’autres semblent nous diriger vers une influence des facteurs écologiques, comme la nourriture ou le milieu.

Passage en revue des études

Il est couramment admis que la taille du cerveau augmente à travers le prisme des espèces et de leur évolution. Les primates sont réputés pour avoir des cerveaux très développés du fait des capacités et aptitudes développées tout au long de l’évolution, notamment par l’utilisation des outils, le langage et la socialité. C’est ce point sur lequel s’appuie la théorie du cerveau social. La complexité des relations sociales a forcé notre cerveau à augmenter ses capacités.

Mais il y a des espèces qui ont des cerveaux encore plus gros !? …
Certes celui du cachalot pèse plus de 7 kg, celui de l’éléphant compte trois fois plus de neurones que le nôtre, relativement à sa taille, on parle là du paradoxe de l’éléphant. La neuro-scientifique Suzana Herculano-Houzel explique que le nombre de neurones présents dans notre cortex pré-frontal (siège des capacités intellectuelles tel que la communication, la mémoire, la pensée, …) est beaucoup plus grand que chez l’éléphant. Ainsi pour la scientifique, “les capacités cognitives supérieures du cerveau humain par rapport au cerveau de l’éléphant peuvent simplement – et seulement – être attribuées au nombre remarquablement élevé de neurones dans son cortex cérébral.”
Il est important de comparer les cerveaux à l’intérieur d’une même lignée, et non d’un taxon à l’autre.

De plus, le développement cérébral est extrêmement coûteux en énergie et en temps. Il faut alors qu’il y ait un avantage certain à passer autant de temps à son développement, temps pendant lequel nous sommes vulnérables (enfance longue par rapport à d’autres espèces).
Une autre hypothèses est que le cerveau s’est développé pour faire face à des enjeux environnementaux, afin de développer des compétences pour maîtriser son milieu de vie.
Enfin une troisième hypothèse serait la nécessité d’apprentissage social (transmission) pour survivre, impliquant un cerveau se développant de manière conséquente. Une étude parue dans Nature en 2018, tentait de mettre de l’ordre dans les théories du développement du cerveau, car les causes et les effets ne sont pas aisés à différencier, et donc il est difficile de mettre en exergue une cause plus qu’une autre dans l’évolution cérébrale.
Le résultat est une concomitance de plusieurs facteurs, 30% d’influence sociale, 60% d’influence écologique et 10% provenant des conflits avec d’autres groupes d’hominidés.
C’est ainsi que nous pouvons en déduire que la coopération est plus “rentable” que les conflits et que trouver des solutions aux problèmes environnementaux/écologiques rend plus fort intellectuellement (étonnant parallèle avec notre situation actuelle… mais malgré un gros cerveau , nous n’avons toujours pas appris de nos erreurs….). Une étude sur des Picidés (groupe des Pic-verts) en 2017 rentre dans ce schéma, des individus solitaires font face à de plus grands défis écologiques, que des individus vivant en groupe, et où la mutualisation des compétences réduit la nécessité d’avoir un cerveau complexe.

Une nouvelle étude fait pencher la balance

Une étude sur les babouins (Papio anubis) tend à orienter le développement cérébral vers sa composante sociale. En effet, l’équipe de A. Meguerditchian et al. a étudié 63 babouins, répartis en groupes de différente taille. Le résultat est que la plasticité cérébrale semble influencée par la taille du groupe dans lequel l’individu se trouve. Ainsi les grands groupes présentent des individus avec de plus gros cerveaux, que ceux appartenant à de petits groupes.
La complexité sociale que l’on trouve chez les babouins semble donc être le facteur moteur du développement de la taille du cerveau, une communication complexe requiert un cerveau avec des aptitudes plus importantes.

Conclusion

Selon les espèces que nous étudions les facteurs ayant joué dans le développement cérébral n’ont pas la même prépondérance, et donc les causes diffèrent d’une espèce à l’autre pour une même conséquence, une taille de cerveau accrue.
Enfin cet organe étant un véritable gouffre d’énergie, chez certaines espèces l’investissement cérébral n’est pas viable compte tenu de leur histoire de vie.


A. Meguerditchian, D. Marie, K. Margiotoudi, M. Roth, B. Nazarian, J.-L. Anton, N. Claidière. Baboons (Papio anubis) living in larger social groups have bigger brains. Evolution and Human Behavior. Available online 9 July 2020. In Press, Journal Pre-proof.
https://doi.org/10.1016/j.evolhumbehav.2020.06.010