#Fakenews pseudo-scientifiques

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Nous ne dénombrons plus les septiques face à la crise d’extinction des espèces et au changement climatique… Il semble augmenter chaque jour, le problème se pose lorsque les politiques sont atteins de ce scepticisme… les mesures de préservation de notre planète en pâtissent considérablement. Que faire ?


La montée du déni face à la crise de la biodiversité et au risque d’extinction a été prévue et attendue par les biologistes. Mais ce phénomène anti-scientifique a éclaté lors de la publication de l’IPBES pour les décideurs, tant la couverture médiatique a été grande. Ils ont mis en doute la réputation des auteurs et la méthode d’estimation du nombre d’espèces en voie d’extinction.
C’est sur cette montée en puissance des négationnistes de l’extinction des espèces que s’articule l’étude de Lees et al. (2020).

Les différents types de déni

On reconnait trois types de déni selon Stanley Cohen, sociologue et criminologue, professeur de sociologie à la London School of Economics, et auteur de “States of Denial: Knowing about Atrocities and Sufering” de 2001. Ce livre parle de la mauvaise gestion des émotions sous la forme de sentimentalité, de réaction excessive et de déni émotionnel.

Le déni littéral : “les extinctions sont une broutille historique”

C’est un rejet total d’une affirmation. Par exemple les négationnistes considèrent simplement que les taux d’extinction sont faux.
Ainsi, les extinctions sont présentées comme faisant partie de l’histoire, notamment en se basant sur la perte de la mégafaune (dinosaures et extinction insulaire) et le fait que nous les ayons traversées, nous sommes déjà de l’autre côté de la crise. Cependant ils ne tiennent pas compte du fait que les espèces endémiques insulaires, sont définitivement perdues et que la perte, la dégradation et la fragmentation catastrophiques d’écosystèmes entiers, combinées au changement climatique, enclenche une nouvelle crise d’extinction.

Le déni interprétatif : “La croissance économique seule résoudra la crise d’extinction”

Là on ne rejette pas les affirmations (la crise existe) mais on leur donne une tournure différente. Par exemple, les données d’écosystèmes tempérés sont appliquées aux écosystèmes des tropiques pour affirmer qu’ils ne sont pas en danger.
Ce déni s’appuie sur la courbe de Kuznet appliquée à l’environnement (voir la courbe ci-dessous tirée de Wikipedia(c)) . A l’origine la courbe représente l’inégalité économique dans un pays en fonction de son niveau de développement, supposé croissant dans le temps, sous la forme d’une courbe en U inversé.

Cependant cette courbe de l’environnement ne découle pas des travaux de Kuznet à proprement parlé, elle a été détournée pour étayer la thèse des détracteurs affirmant que les pressions sur l’environnement finissent par diminuer avec l’augmentation des revenus. En d’autres termes, plus on est riche et que nos besoins primaires en richesse sont comblés, plus on a le loisir de s’occuper de l’environnement (je vous laisse juger de ce fait avec l’actualité).
Cette courbe ne considère pas le phénomène dans sa dimension mondiale. Elle ne s’applique concrètement qu’à des phénomènes locaux et non globaux comme le changement climatique qui s’opère aujourd’hui.

Les succès de réintroduction de loup et d’ours abondent en faveur des détracteurs, mais ceci à coups de programmes extrêmement coûteux et ce genre de succès ne saurait être réaliste et réalisable dans un milieu insulaire.

Enfin, la “transition forestière” prônée par les négationnistes via la courbe de Kuznet (plus on est riche, plus on plante des arbres, en résumé) ne prend pas en compte la différence entre une forêt primaire/indigène et une plantation de palmiers pour l’huile de palme. C’est ce point de flou qui permet aux négationnistes d’interpréter à leur guise les données scientifiques en leur faveur.

Le déni “implicatoire”: “Les technologies et les interventions de conservation ciblées permettront de surmonter l’extinction”

Là non plus les affirmations ne sont pas niées mais on en détourne les implications. Par exemple, les détracteurs soutiennent qu’il n’est pas nécessaire de changer les systèmes socio-économiques pour sauver la biodiversité en danger.
Ce genre de déni est très sélectif, les négationnistes ne mettent en évidence que certains facteurs impactant négativement la perte de biodiversité. Parmi leurs chevaux de bataille on retrouve les espèces envahissantes, la surexploitation et les agents pathogènes. Certes ces facteurs peuvent avoir une réponse technologique mais pas seulement. Il faut prendre dans sa globalité le problème avec la perte d’habitat et le changement climatique qui exacerbent tous les autres facteurs.
Comme le résume les auteurs de l’étude “reconnaître l’importance d’un ensemble de menaces n’élimine pas la nécessité d’en traiter les autres“.


Actions pour combattre ce fléau

Les principaux outils à la disposition des scientifiques pour contrer les négationnistes et faire entendre leur voix et interpeller le grand public sur les enjeux réels de la biodiversité sont de mener une science rigoureuse, en étudiant de manière extrêmement précise et approfondie les causes de la crise d’extinction. Ceci afin de limiter les failles dans lesquelles les négationnistes peuvent s’engouffrer.

Ensuite il est impératif de faire entendre leur voix, donc de communiquer efficacement afin la aussi d’empêcher les négationniste de s’emparer des données scientifique et de les interpréter à leur manière. Les scientifiques ont donc besoin plus que jamais de journalistes, de communicants scientifiques. Un des reproches qui leur soit fait est de sur-estimer l’extinction pour interpeller le grand public. Il faut donc une bonne science et une communication adéquate.

Outre un bonne communication, il ne faut pas seulement communiquer sur la perte de biodiversité mais sur les impacts que cela va avoir sur nos vies, avec des exemples concrets qui résonnent pour un public donné. Ensuite il ne faut pas non plus exagérer certains aspects du problème en négligeant les principaux. Par exemple le parc éolien, comme le soulignent les auteurs, est certes une menace dans une certaine mesure pour des espèces mais beaucoup moins que la perte d’habitats ou la fragmentation des territoires. Les scientifiques doivent impérativement remettre les données et les menaces mis en exergue par certains détracteurs dans leur contexte. Il est nécessaire de susciter l’émotion du public et de leur montrer que les mesures demandées pour sauver la biodiversité fonctionnent. Les négationnistes reprochent souvent aux scientifiques d’être pessimistes, de ne pas apporter de nouvelles positives. C’est chose faite avec le site : https://conservationoptimism.com.


Conclusion

Pour les auteurs le constat est clair : “Pour que la conservation réussisse, elle devra être inclusive et les scientifiques de la conservation devront être plus aptes à identifier les discussions utiles et à éviter les conflits internes inutiles.”
Les scientifiques doivent renforcer leur rôle d’experts de confiance en contrant les arguments défectueux par des preuves. Un des meilleur moyen de combattre le déni et le mépris est encore le fait d’ignorer les détracteurs autant que faire se peut, ne pas leur donner plus de crédit ou de lumière en entrant dans des discussion stériles.

La biodiversité a besoin de débats constructifs, de vraies solutions qui prennent en compte tous les aspects de la crise, indépendamment de nos systèmes socio-économiques.
Les enjeux de la biodiversité ne doivent pas être dépendants d’enjeux économiques ou politiques personnels, ou sous l’emprise de négationnistes ne visant que leurs intérêts.


Lees, A.C., Attwood, S., Barlow, J. et al. Biodiversity scientists must fight the creeping rise of extinction denial. Nat Ecol Evol (2020).
https://doi.org/10.1038/s41559-020-01285-z