Marée noire à l’Île Maurice, un mois après…

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Cela fait un mois que le cargo Wakashio a fait naufrage près de l’Île Maurice dans l’océan Indien, engendrant un déversement important d’hydrocarbures. Comment a évolué la situation ?


C’est le premier incident impliquant un nouveau type d’hydrocarbures à faible teneur en souffre, pour réduire la pollution de l’air. La marée noire s’est étendue sur 15 km le long de la côte. Dans un entretien accordé au magazine Nature, Jaqueline Sauzier, présidente de la Mauritius Marine Conservation Society, fait le point sur la situation.


L’île n’était pas préparée à gérer une telle catastrophe écologique, c’est donc avec le soutien international que la réponse à cet incident a pu se mettre en place. Dans un premier temps, la France a dépêché une équipe qui se trouvait sur l’île de la Réunion, avec un dispositif flottant pour contenir la nappe d’hydrocarbures. Les Nations Unies, elles, ont envoyés un groupe d’experts de la gestion de ce type de crises. Ils ont travaillés avec les communautés locales, le secteur privé et le gouvernement.

Mais les habitants de l’île n’ont pas attendu l’arrivée de tous ces experts pour s’organiser. En une semaine ils ont construits des barrages de fortunes à partir de déchets de canne à sucre pour contenir l’huile, le tout attaché à des bouteilles vides pour la flottaison.
Le travail de 10 jours non stop a permis de contenir et éliminer prés de 75% du pétrole déversé. Cependant, un autre problème a surgit : les particules chimiques dissoutes dans l’eau, celles qui ne sont donc pas évacuées avec le pétrole de surface. Vu qu’il s’agit d’un nouvel hydrocarbure, il n’y a aucune étude à long terme sur les impacts environnementaux en cas de pollution marine. C’est l’un des points les plus préoccupants de cette catastrophe.

Bien que la nappe de pollution n’est atteint que 15 km des 350 km de côtes que compte l’île, cela s’est fait dans deux zones répertoriées dans la Convention de Ramsar sur les zones humides d’importance internationale en tant que points chauds de la biodiversité. Le courant ayant joué, c’est la pointe d’Esny qui fut la plus touchée, avec les mangroves.
L’île aux Aigrettes fut également touchée. Elles abrite des espèces d’oiseaux vulnérables comme le pigeon rose (Nesoenas mayeri), mais aussi des plantes endémiques.
Deux rivières débouchent dans la baie du naufrage, une partie du pétrole a pu remonter certaines régions des rivières, dont une zone d’herbes marines abritant des hippocampes. Là aussi l’impact des produits chimiques, autre que le pétrole en lui-même, reste encore inconnu.

C’est l’ensemble de l’écosystème qui est en sursis, car comme le souligne Jaqueline Sauzier, très peu d’animaux ont été découverts morts directement par le fait de la marée noire, ce sont les mois qui viennent qui vont révéler l’ampleur réelle de la catastrophe. Cela commencera par les organismes filtreurs à cause des molécules chimiques dissoutes dans l’eau.

Un autre souci provient des conditions climatiques qui ont poussé l’épave près des récifs coralliens, brisant ce dernier. Avec le mauvais temps, une barrière de sable et de débris de tout genre s’est amoncelée, risquant de provoquer un changement dans le courant de la lagune qui impactera le développement du corail par la suite.

Il reste aux équipes le nettoyage des mangroves qui doit être fait de la bonne manière car cela pourrait être encore plus dramatique si des zones restaient souillées. Des produits chimiques pourraient intégrer l’écosystème, au niveau du sable par exemple, et ressortir par temps chauds dans quelques années et engendré une pollution inédite.

En ce qui concerne le navire en lui même, la partie avant a été retiré et coulé près de la route de navigation. L’arrière a été nettoyé de tout l’hydrocarbure. Néanmoins, il reste en place, la rouille et la peinture vont alors engendrer un nouveau pic de pollution des eaux et étant appuyé sur le récif corallien, ce dernier risque d’être brisé.


Il reste donc du travail pour retrouver une qualité d’eau et écosystémique d’avant naufrage.
Jaqueline Sauzier se monte néanmoins optimiste car le bateau était de taille “raisonnable” dirons-nous et le timing avec la récolte de canne à sucre a permis d’avoir la possibilité de contenir le pétrole.
Cette catastrophe fait prendre conscience des dangers qui existent, de part la présence d’une route maritime le long de l’Île Maurice (2500 navires par mois l’empruntent) et des enjeux toujours plus préoccupants des pollutions marines sur des écosystèmes déjà soumis à rudes épreuves de part le changement climatique.


Dyani Lewis “How Mauritius is cleaning up after major oil spill in biodiversity hotspot”. Nature, NEWS Q&A  27 AUGUST 2020
http://feeds.nature.com/~r/nature/rss/current/~3/XP8e7XC9hdo/d41586-020-02446-7