Il n’échappe à personne que les milieux contenant une biodiversité exceptionnelle, outre les récifs coralliens, sont les forêts, à l’image de la forêt tropicale. Mais d’autres types de forêts sont essentiels à la préservation de notre biodiversité, forêts qui font souvent l’objet de fortes exploitations par l’Homme. L’une des plus grandes forêts d’Asie du Sud-est ne fait pas exception. Une étude révèle des hotspots de biodiversité non inclus dans les zones protégées … qu’il est grand temps de protéger.
La diversité des types de forêts répondent à la variation de plusieurs facteurs environnementaux : latitude, longitude, climat, altitude et sol. Ces forêts très diversifiées forment le cœur des points chauds de la biodiversité mondiale (hotspots) et représentent un habitat essentiel pour les espèces végétales et animales rares et endémiques. Mais elles présentent aussi de nombreux biens et services écosystémiques, poussant les intérêts économiques humains à les exploiter de manière excessive. Ceci est d’autant plus vrai pour les forêts qui contiennent des écosystèmes très spécifiques (par exemple, les mangroves, les forêts sèches de feuillus).
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L’Asie du Sud-Est est un point chaud de déforestation mondiale où des types de forêts rares et vulnérables tels que la forêt indo-malaise des basses terres de la Sundaland, les Diptérocarpacées à feuilles caduques sèches sont menacés. L’étude veut remplir les lacunes en termes de représentation de ces forêts dans les réseaux d’aires protégées ou améliorer l’efficacité des ces aires. Le Myanmar est la plus grande frontière forestière de la région et se situe dans le hotspot de la biodiversité indo-birmane, contenant potentiellement de grandes parcelles de forêts inestimables. Bien que le Myanmar dispose d’un réseau assez étendu d’aires protégées, il n’a toujours pas atteint son objectif déclaré de protéger 10 % du pays. De plus des ressources financières et techniques limitées ont entravé le développement d’une carte des types forestiers à l’échelle nationale, spatialement explicite et fiable.
Pour collecter un grand nombre de données de références sur les types de forêts locales et leur répartition, les auteurs ont collaboré avec des experts des forêts du Myanmar au sein d’organisations non gouvernementales (ONG), gouvernementales et internationales locales. En combinant des technologies de télédétection de pointe, des données satellitaires et de nombreuses données de références, ils ont développé la première carte de type forestier spatialement explicite du Myanmar, à une résolution de 20 m. Cette dernière a été utilisée pour déterminer l’étendue, la répartition et l’état de conservation des différents types de forêts au Myanmar. Enfin ils ont développé un score de statut de conservation, basé sur l’abondance, le statut de protection et la représentation du type de forêt dans les aires protégées, pour identifier les cinq types de forêts les moins conservés et leurs plus grandes parcelles restantes.
La présence de plantations et de bambous dans les aires protégées est un motif d’inquiétude car ils sont le signe d’une activité anthropique entraînant une perte d’habitat.
Quels types de forêts ont été identifiés ?
Les marécages, les mangroves, les forêts décidues sèches, les forêts sempervirentes des basses terres et les forêts d’épines ont été identifiées comme les cinq types de forêts les plus vulnérables au Myanmar. Toutes sont peu représentées dans le système d’aires protégées du Myanmar, les plus grandes superficies sont en dehors de ces zones de protection.
Les forêts marécageuses sont le type de forêts le plus rare et le plus vulnérable au Myanmar, fournissant des services écosystémiques essentiels. Elles jouent un rôle essentiel dans le soutien de la biodiversité des zones humides locales, par exemple pour la tortue à toit birman en danger critique d’extinction.
Les mangroves sont fortement menacées à l’échelle mondiale et régionale. En Asie, elles ont été historiquement abattues pour l’expansion agricole, le développement de l’aquaculture et la production de charbon de bois. L’étude a révélé qu’il reste à peine 7800 km² de mangroves prenant en compte les parcelles fragmentées, et seulement 1,79% de cette superficie est protégée ! Les auteurs ont également déterminé une zone qui pourrait faire l’objet d’une protection immédiate, c’est la plus grande parcelle de la forêt de mangrove restante se situant sur une île de la région de Tanintharyi.
Les forêts décidues sèches ont vu leur étendue nationale, au cours des neuf dernières années, être réduite d’environ 62 % ! En sachant que le Myanmar a la couverture forestière de feuillus sèches la plus élevée d’Asie du Sud-Est, ces estimations mettent donc en évidence la faible étendue globale de la forêt décidue sèche restante dans toute l’Asie du Sud-Est, et très peu sont sous régime de protection.
Les forêts à feuilles persistantes des basses terres sont vulnérables à la déforestation en raison de la pression de conversion en plantations. Elles sont particulièrement importantes du point de vue de la conservation, car elles sont très diversifiées en flore et en faune, étant situées entre la zone de transition de la région indochinoise et sundaïque. Les forêts de Tanintharyi ont été protégées de facto jusqu’en 2011, en grande partie en raison de l’isolement causé par l’instabilité politique dans la région. Mais depuis, une grande partie a été transformée en plantation. et les forets restantes sont, comme les précédentes, non protégées.
Dernier type vulnérable, la forêt d’épines. C’est un type de forêt rare au Myanmar couvrant seulement 0,54 % de la superficie forestière. Une grande partie de la forêt d’épines restante a pu persister car elle se trouvait soit dans des zones protégées soit dans des zones d’importance culturelle. Ceci explique pourquoi la forêt restante semble être relativement bien protégée
Conclusion
Cette étude dresse un état des lieux précis de l’étendue, de la répartition et de l’état de protection des types de forêts en Asie du Sud-Est. Les auteurs ont déterminé le statut de conservation et de protection de tous les types de forêts existants et identifié les cinq types de forêts les plus vulnérables. Ces cartes pourront éclairer les futures politiques de conservation des forêts, en particulier celles liées aux émissions de gaz à effet de serre, à la conservation de la biodiversité et à la gestion durable des forêts. Enfin ces méthodes pourront facilement être transférées pour étendre la cartographie des types de forêts aux autres régions forestières vulnérables.
Sumalika Biswas, Qiongyu Huang, Khine Khine Swe et al. Conservation Status of Forest Types Vary Greatly in Myanmar – the Most Forested Country in the Indo-burma Biodiversity Hotspot, 11 January 2022, PREPRINT (Version 1) available at Research Square https://doi.org/10.21203/rs.3.rs-1171476/v1