Une femelle orque observée s’occupant d’un bébé globicéphale, une première !

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Il est bien connu que certaines espèces ne peuvent vraiment pas s’entendre. Dans cette catégorie nous retrouvons notamment les épaulards, ou orques, et les globicéphales noirs. Leurs interactions ont été documentées à de nombreuses reprises, impliquant généralement des événements de prédation et des poursuites. Mais récemment un évènement inédit s’est produit, une femelle a été observé en compagnie d’un petit globicéphale. Les relations entre le globicéphale noir et l’épaulard pourraient être plus complexes qu’on ne le pensait auparavant et influencées par de multiples facteurs.

Les orques, également connues sous le nom d’épaulards , sont facilement identifiables par leurs marques blanches brillantes au milieu d’une peau noire foncée. Ce sont les plus grands des dauphins océaniques. Les deuxièmes plus grands sont les globicéphales , qui sont un peu plus petits que les orques mais toujours beaucoup plus gros que ce que l’on appelle généralement les dauphins. 

Une petite équipe d’océanographes du Centre de recherche sur la nature de l’ouest de l’Islande, Orca Guardians Iceland et l’Université Dalhousie, ont remarqué quelque chose de particulier à propos d’un femelle orque qu’il connaissait bien et dénommée Sædís. Alors qu’elle passait, ils virent un jeune niché près d’elle et nageant à côté d’elle. Ils se sont vite rendu compte que le nouveau-né n’était pas une orque et donc pas sa propre progéniture. Au lieu de cela, les chercheurs l’ont identifié comme un jeune globicéphale à longues nageoires qui semblait être émacié, mais pris en charge par l’épaulard alors qu’il voyageait dans son sillage.

Orque (Orcinus orca (Linnaeus 1758)) femelle SN0540 en formation échelonnée avec un petit globicéphale noir. © M. T. Mrusczok et al., 2023

Pendant 21 minutes ce jour-là d’août 2021, ils ont regardé l’épaulard adulte et le jeune nager ensemble dans ce qui est maintenant considéré comme le premier cas enregistré d’orque s’occupant de la progéniture d’une autre espèce.

Elizabeth Zwamborn, candidate au doctorat au Whitehead Lab de Dalhousie, qui a co-écrit un nouvel article dans le Canadian Journal of Zoologie qui décrit l’interaction explique dans un communiqué : « Les épaulards n’ont jamais été vus s’occuper de la progéniture d’une autre espèce, donc c’est en soi extrêmement intéressant ».

Néanmoins, étant donné que « les épaulards et les globicéphales ont des comportements maternels similaires et sont plus proches en taille que les autres espèces, ce qui fait d’un globicéphale un bon substitut à un veau d’épaulard ».

Orphelin ou abandonné ou kidnappé ?

Les chercheurs suggèrent qu’il est possible que l’épaulard ait pris le petit et ait tenté de l’adopter puisqu’elle n’a jamais été documentée avec sa propre progéniture. En effet, le jeune globicéphale peut être orphelin ou laissé pour compte mais aussi kidnappé par l’orque.

Zwamborn dit que l’interaction peut aider à expliquer le comportement complexe des deux espèces lorsqu’elles se rencontrent. Il y a eu de nombreux récits de globicéphales chassant des épaulards au large de l’Islande, mais les véritables raisons de cela restent un mystère. Si certains épaulards tentent effectivement de kidnapper des petits, cela donne aux globicéphales une bonne raison de chasser les épaulards lorsque les deux espèces se trouvent dans la même zone.

Il est également possible qu’ils se disputent des proies, même si l’on pense qu’ils ne se nourrissent généralement pas de la même chose. Certains ont émis l’hypothèse que les globicéphales perçoivent les épaulards comme une menace et les chassent au lieu de s’enfuir.

Zwamborn explique : « Cette orque particulière n’avait jamais été vue avec un petit au cours de l’étude de 2011 à 2022, il est donc possible qu’elle ne puisse pas avoir de petits ou qu’elle ne réussisse pas à les élever. Cela pourrait lui donner un motif pour s’occuper du globicéphale nouveau-né ».

Structures sociales similaires

On pense que les orques et les globicéphales à longues nageoires ont des structures sociales et des relations mère-progéniture similaires, ce qui rend possible le comportement de soins entre les deux espèces. Cependant, c’est la première fois qu’une telle association est documentée dans la littérature scientifique.

Les chercheurs ont noté que le petit était dans la position dite échelonnée à côté de l’adulte, position qui permet au jeune de dépenser moins d’énergie tout en le protégeant.

En tant que forme de comportement aquatique de portage du nourrisson, la nage échelonnée est considérée comme l’une des formes de soins parentaux les plus énergivores après la lactation et peut avoir un impact sur les budgets énergétiques, la fuite face aux prédateurs et l’efficacité de la recherche de nourriture. 

Finalement, ce duo inattendu n’a été vu qu’à cette seule occasion, et lorsque Sædís a été repéré à nouveau l’année suivante, le petit ne semblait pas être avec elle. Néanmoins, elle a été vu avec un autre groupe de globicéphale et son comportement, selon les chercheurs, suggérait qu’elle tentait peut-être de voler un remplaçant.

Source : Canadian Journal of Zoology