Maintenant ou jamais pour la Nature et notre Terre

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Aujourd’hui, “nous sommes en train d’éroder les fondements mêmes de nos économies, nos moyens de subsistance, la sécurité alimentaire, la santé et la qualité de vie dans le monde entier” déclarait le président de l’IPBES (Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques), Sir Robert Watson, lors de la 7e session plénière du 29 avril au 4 mai 2019.
Nous sommes arrivés au moment crucial, celui après lequel il n’y aura plus de marche arrière possible. Nous devons changer profondément nos modes de vie, de production et d’utilisation de la Nature.


Que va-t-on laisser en héritage ?
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Il est devenu maintenant presque familier de lire ou d’entendre que telle ou telle espèce est en danger d’extinction ou a disparue, sans vraiment prendre la mesure, ni conscience de ce que cela entraîne. Mais le nouveau rapport de l’IPBES a révélé l’ampleur de la crise de conservation, qui est sans précédent : 1 million d’espèces (animales et végétales) sont menacées d’extinction, soit 1 espèce sur 8 !
Le taux actuel d’extinction des espèces dans le monde est supérieur à la moyenne des 10 derniers millions d’années, et ce taux s’accélère.

Un rapport inédit, pourquoi ?

C’est le document le plus exhaustif produit à ce jour concernant les dégâts sur la Nature. Il a été réalisé par un groupe de 145 experts issus de 50 pays, sur trois années, complété par des rapports de 310 autres experts.
Ce bilan veut refléter l’évolution de la Nature durant les 50 dernières années, s’appuyant également, pour la première fois, sur les savoirs locaux et autochtones, ainsi que sur 15 000 références scientifiques et gouvernementales.
Outre chiffrer les disparitions, ce rapport a établi une liste des cinq facteurs ayant le plus fort impact négatif sur l’érosion de la biodiversité : les changements d’usage des terres et de la mer, l’exploitation directe de certains organismes, le changement climatique, la pollution et les espèces exotiques envahissantes.
C’est en comprenant l’inter-connectivité de tous les facteurs jouant dans la dégradation de l’environnement, liés aux changements démographiques et économiques, que des actions pourront être mises en place et menées à terme. En effet, comme le souligne le texte, les actions décidées il y a déjà quelques années ne verront pas leurs objectifs atteints du fait de l’incompatibilité des moyens établis pour y parvenir.
On parle d’un changement transformateur c’est-à-dire un changement fondamental à l’échelle d’un système, prenant en compte les facteurs technologiques, économiques et sociaux.

Seuils des catégories d’espèces menacées
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Quelques chiffres

  • 75 % du milieu terrestre est « sévèrement altéré » à ce jour par les activités humaines (milieu marin 66 %)
  • +/- 60 milliards : tonnes de ressources renouvelables et non renouvelables extraites dans le monde chaque année, en hausse de près de 100 % depuis 1980
  • 40 % des espèces d’amphibiens menacées d’extinction
  • Près de 33 % des récifs coralliens, des requins et des espèces proches, et plus de 33 % des mammifères marins sont menacés d’extinction
  • 70 % : augmentation depuis 1970 du nombre d’espèces exotiques envahissantes dans les 21 pays ayant des dossiers détaillés
  • 68 % des capitaux étrangers allant aux secteurs du soja et de viande bovine (principale transformation de l’Amazonie) transitent par des paradis fiscaux
  • 100 milliards de dollars US : niveau estimé du soutien financier fourni par les pays de l’OCDE (2015) à un type d’agriculture potentiellement nocif pour l’environnement
  • 70 % : pourcentage des bateaux impliqués dans la pêche illicite, non déclarée et non réglementée soutenue par des fonds qui transitent par des paradis fiscaux
  • +/- 50 % : couverture des récifs coralliens qui a disparu depuis les années 1870  
  • 50 % : diminution du taux net de perte de forêt depuis les années 1990 (excluant celles gérées pour fournir du bois ou pour extraction agricole)
  • Plus de 2 500 : conflits pour les combustibles fossiles, l’eau, la nourriture et la terre actuellement en cours dans le monde
  • 40 % : population mondiale n’ayant pas accès à de l’eau potable propre et salubre
  • 80 % : eaux usées mondiales rejetées non traitées dans l’environnement

Les changements d’usage des terres et des mers

La première cause des extinctions d’espèces est la diminution de leurs aires de répartition (vie, reproduction, alimentation). Comme cité ci-dessus, 75% de la Terre a été altéré profondément par les pratiques humaines, pour la culture et l’expansion urbaine (100% d’augmentation des espaces urbains depuis 1992).
L’uniformisation des cultures (diminution de la diversité biologique), au-delà du fait de réduire l’aire de distribution, rend fragile l’équilibre entre les espèces et les chaînes alimentaires ne peuvent perdurer, au détriment de nombreuses espèces souvent endémiques (présentent seulement dans un site précis) des zones concernées.

Exemple de déforestation
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La perte d’habitat touche aussi les océans : 66% du milieu marin a été profondément altéré par les activités humaines.
Mais la menace la plus grande est la surexploitation des stocks de poissons. En 2015, 33% des stocks étaient utilisés de manière non durable, c’est-à-dire que nous exploitions plus que ce que la nature produisait, ne lui laissant donc pas le temps de renouveler les stocks. Les animaux marins dans le top 3 de la surpêche sont : le flétan de l’Atlantique, le thon rouge et tous les types de requins.
Nous ajoutons à cela les espèces collatérales ( = prises accessoires), celles qui sont attrapées en même temps que les espèces pêchées mais rejetées à la mer plus ou moins saccagées et finissant par mourir, ou celles restant prisonnières des filets posés.

Tortue piégée dans un filet
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Changement climatique

Le monde s’est réchauffé de 1° Celsius depuis l’aire préindustrielle.
Ce réchauffement est une des causes de la multiplication des événements climatiques extrêmes tels que les inondations, les incendies et les sécheresses, mais aussi la montée des eaux. Ce dernier point induit des changements d’aires de répartition des espèces concernées, et la disparition d’autres.
L’augmentation de la températures des océans a par conséquent des répercussions dramatiques sur les poissons, qui voient leurs stocks diminués. Subséquemment, pour l’activité humaine, le quota de pêche durable se réduit (et n’est pas respecté).
Le changement d’usage des terres est un des facteurs accroissant le changement climatique. En effet l’utilisation d’engrais et fertilisants, le défrichage et l’élevage intensif favorisent les gaz à effet de serre. Les 3/4 des émissions de ces gaz proviennent des élevages d’animaux.
La perte de la biomasse végétale et de la biodiversité associée augmente la concentration du CO2 atmosphérique car ce dernier ne peut plus être absorbé de façon suffisante par les forêts tropicales notamment.

La pollution

Le rapport met en exergue la pollution marine, qui a été multipliée par 12 depuis 1980 et affecte au moins 267 espèces (86% de tortues marines, 44% d’oiseaux marins et 43% de mammifères marins). Les engrais qui arrivent dans les écosystèmes côtiers ont produit plus de 400 « zones mortes» dans les océans, soit 245.000 km² (une superficie totale plus grande que le Royaume-Uni). Et le bilan risque de s’alourdir avec les dernières recherches concernant les mammifères marins vulnérables aux organophosphates.
La pollution du sol est due aux plastiques, plus précisément aux micro-plastiques. Étonnement ces particules entrent, de manière non négligeable, par le compost (industriel ou ménager) produit à partir de déchets végétaux contenant des traces de fertilisant et d’engrais. (N. Weithmann et al., 2018, Organic fertilizer as a vehicle for the entry of microplastic into the environment, Science Advances :Vol. 4, no. 4, eaap8060 – DOI: 10.1126/sciadv.aap8060)
Enfin le troisième membre du trio est la pollution provenant des déchets urbains et ruraux non traités, des déchets miniers et agricoles et des déversements d’hydrocarbures. Environ 300-400 millions de tonnes de métaux lourds, solvants, boues toxiques et autres déchets issus des sites industriels sont déversés chaque année dans les eaux du monde.
Les activités humaines ont enrichi excessivement en phosphore 38% de la superficie terrestre de la terre (sans l’Antarctique). Les niveaux de phosphore dans les lacs, les rivières et autres étendues d’eau douce du monde sont à un point critique, conduisant à des proliférations d’algues potentiellement toxiques et moins d’eau potable disponible.

Les espèces envahissantes

La mondialisation des échanges et la possibilité de voyager dans le monde entier ont donné l’opportunité à de multiples espèces de s’établir dans des régions qui ne leur étaient pas destinées, au détriment des espèces autochtones, en particuliers dans des zones aux écosystèmes fragiles. Dans le rapport, 21 pays ont été minutieusement étudiés et ont vu leur nombre d’espèces envahissantes augmenté de 70% depuis 1970.
Ces espèces invasives entrent en compétences avec les espèces locales pour l’espace, l’eau la nourriture, mais elles peuvent aussi anéantir beaucoup d’espèces natives, en introduisant des maladies et pathogènes contre lesquels ces espèces ne sont ni immunisées ni adaptées.

Jacinthe d’eau (Eichhornia crassipes), plante invasive
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Encore de l’espoir ?

Le rapport a analysé plusieurs stratégies, comprenant des modalités politiques, économiques et environnementales différentes, afin de trouver le meilleur scénario pour enrayer cette crise. Or seul le scénario présentant un “changement transformateur“, donc un changement profond à tous les niveaux, peut encore ralentir l’érosion de la biodiversité.
Les programmes de conservation et de réintroduction d’espèces menacées d’extinction ont déjà porté leur fruits, comme pour le tamarin-lion doré (Leontopithecus chrysomelas) restant tout de même en danger selon l’IUCN Red List. L’inter-connectivité de tous les facteurs doit être parfaite pour permettre de maintenir les espèces sauvées et d’en sauver d’autres.
La prise de conscience du grand public, du monde de l’économie et des politiques à travers le monde est l’enjeu crucial qui déterminera l’avenir de notre planète et notre propre survie !

Communiqué de Presse de l’IPBES
C. Gramling, 2019, 1 million species are under threat. Here are 5 ways we speed up extinctions, ScienceNews