Une nouvelle sur la rhytine de Steller

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Je vous ai déjà parlé de ce drôle d’animal disparu (Hydrodamalis gigas) à cause de l’Homme, moins de trente ans après sa découverte par G. W. Steller lors du naufrage du Saint Pierre de Vitrus Béring, lors de sa deuxième exploration du Pacifique Nord en 1741, dans l’archipel du Commander.

Dans la revue Espèce n°33, un article lui est consacré et nous apprenons de façon surprenante que notre rhytine est dépourvue de doigts ou du moins aucun squelette de doigts. A part au Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris, dans la Galerie d’Anatomie Comparée, qui semble avoir pris exemple sur l’anatomie du lamantin pour créer une main hypothétique à leur squelette.

Selon l’auteur, Mr J.P. Sylvestre, à l’heure actuelle, il y a 27 squelettes complets dispersés dans 24 musées à travers le monde. Mais sachez que quand vous admirez un de ces squelettes vous admirez plusieurs individus simultanément. Aucun de ces squelettes n’appartient à un seul individu mais ils sont tous constitués d’ossements de plusieurs individus.

La seule description de cet animal fut donc rédigée par G.W. Steller lui-même, lors de son séjour dans l’archipel du Commander. Nous pouvons y lire clairement qu’il n’y distingue pas de formation se rapprochant à proprement parlé d’une main, similaire à celle présente sur les espèces de ce groupe phylogénétique. « L’avant-bras est terminé par un tarse (carpe) et un métatarse (métacarpe) mais il n’y a aucun vestige de doigts, non plus que d’ongle ou de sabot ; le tarse (carpe) et le métatarse (métacarpe) sont enveloppés d’une graisse solide, de beaucoup de tendons et de ligaments, de peau et d’épiderme, de manière à ressembler beaucoup au moignon d’un membre amputé. »
Le géologue J. Velez-Juarbe précise ce dernier point en indiquant que les membres antérieurs sont faits d’épithélium squameux stratifié et kératinisé. Il est cependant plus que probable que les phalanges soient néanmoins présentes mais sous la forme d’os vestigiaux, petits et fragiles, résultats d’une évolution du genre Hydrodamalis. Effectivement la rhytine est aussi appelée vache de mer, de par la physionomie de sa tête mais aussi par son régime alimentaire fait d’algues et de plantes aquatiques qu’elle broute dans des eaux peu profondes mais où le courant est fort. Ces deux bras robustes ainsi formés lui permettraient alors de résister aux vagues puissantes lorsqu’elle se nourrit.

Le fait de ne pas retrouver trace de ces os potentiels lors des fouilles pourrait s’expliquer par l’environnement même dans lequel ils sont conservés, des zones humides qui ne permettent pas à des os fragiles de résister aux ravages du temps.

On ne pourra jamais savoir si les individus naissaient avec les os de la main et les « perdaient » au fur et à mesure de leur développement, par régression. Une chose est sûre cet animal gardera ses secrets… et son mystère.


Espèces, N°33, La rhytine de Steller : une sirène sans doigts par Jean-Pierre Sylvestre (guide de croisière aux baleine en Arctique et Antarctique et spécialiste des cétacés)