Quel est l’impact des routes dans les espaces protégés ?

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Il n’est plus à démontré l’impact négatif des routes sur la faune, concentrant les activités humaines et engendrant des mortalités conséquentes sur les animaux.
Mais vous êtes-vous déjà demandé ce qu’il en était des routes traversant des zones protégées ?


Nous supposons du départ, sans donnée à l’appui, que les activités humaines et le trafic routier étant limités dans ces zone, les impacts sur la communauté sauvage terrestre de ces milieux ne sont pas grands voir même inexistants. On retrouve une réflexion similaire pour les milieux marins : l’océan est grand donc peu de chances d’avoir un impact délétère sur les espèces vivant dans les zones protégées (article “La ponctualité exemplaire du rorqual bleu“).

L’équipe de Anton et al., s’est penchée sur cette question dans le parc de Yellowstone (YNP), aux Etats-Unis. Il est important de comprendre les réponses comportementales des grands carnivores face à l’activité humaine dans les zones protégées afin de les préserver au mieux et de préserver la qualité de l’habitat. En effet, ces animaux sont particulièrement sensibles du fait de leur faible densité de population, de leur répartition limitée et de leur rôle de prédateurs clés. Par exemple, les carcasses des animaux percutés le long des routes changent intrinsèquement les parcours des loups qui viennent plus près de ces zones. Les corridors que forment les routes peuvent aussi bloqués les animaux dans leur déplacements pour la recherche de nourriture et engendrent des perturbations dans les réseaux trophiques.
Le nombre de visiteurs dans le parc a augmenté de 120% de 1979 à 2017, passant de 1,9 à 4,1 millions, avec un pic entre Juin et Août. En Scandinavie, il a été rapporté que le loup modifia son comportement après des interactions avec les humains adoptant des comportements plus cryptiques. Ici, au YNP, les chercheurs veulent savoir comment la hausse des visiteurs affecte le fonctionnement de cet écosystème particulier.

Leur modèle d’étude est le loup sauvage (Canis lupus). Ils ont été réintroduits au sein du parc entre 1995 et 1997. Les loup sont géolocalisés, ainsi que leurs proies, les cerfs, grâce à des émetteurs GPS posés après leur capture et relâchement, permettant de savoir si les loups sont perturbés dans la recherche de nourriture. Le trafic a été estimé à partir de points de comptage, répartis sur l’aire d’étude. Les visiteurs du parc sont friands d’observer les loups depuis la route et le confort de leurs voitures. Selon un sondage de 2016, 86% des visiteurs viennent au parc pour « voire la faune sauvage dans son milieu naturel ».  Le couvert végétal varie selon les zones et a été répertorié, permettant de connaitre les zones favorables pour le loup et de les comparer aux mouvements de ce dernier.


Que dit l’étude ?

Le comportement des loup est façonné par le nombre d’interactions et la qualité de ces dernières avec les hommes. L’activité humaine modifie le schéma d’action de ces animaux.
Au parc de Yellowstone, certains loups cumulent les rencontres avec les humains lors des traversés des zones longeant les routes. C’est un cercle auto-entretenu : le loup attire l’homme par curiosité, cette augmentation de visites augment le nombre de rencontre potentielles influençant alors le comportement de l’animal. Selon l’étude, le loup modifie surtout sa sélection d’habitat. Certains d’entre eux vont délaisser des zones favorables pour éviter au maximum les contacts humains, quand d’autres vont plutôt choisir des habitats proches des corridors routiers. Cette accoutumance rend très vulnérables les loups qui deviennent victimes de chasseurs peu scrupuleux lorsqu’ils quittent la réserve.
Le point soulevé par le changement d’habitat des loups est une baisse de leur fitness, de leur taux de reproduction également. En d’autres termes, la qualité de vie des loup est amoindrie par la proximité, même faible, des activités humaines via les routes.

Le gestionnaires du parc essaient de pallier cette influence humaine, malgré l’enjeu économique que cela engendre, en établissant des zones fermées aux visiteurs autour des tanières et des tronçons de routes sans escale possible, limitant les contacts avec la faune sauvage. Mais, le parc, ses visiteurs, le loup et sa gestion ainsi que la socio-économie régionale sont inextricablement enlacés.


Ces données et conclusions sont facilement transposables sur des zones de haute qualité en termes de biodiversité et d’enjeux de conservation, en dehors de zones protégées, et qui sont traverser par des routes.
Cette étude appelle des études complémentaires afin de mettre à jour les impacts tangibles des activités humaines sur les loups et les grands carnivores en général. Le but final est de pouvoir mettre en place des plans de conservation adaptés à ces zones particulières, qui ont malgré tout besoin des visiteurs pour obtenir les fonds indispensables à leur gestion. Seule une connaissance fine des comportements et de son évolution permettra aux gestionnaires de faire cohabiter ces deux enjeux (préservation et économie) des parcs nationaux, et de tout habitat d’intérêt écologique.


Anton, C. B., D. W. Smith, J. P. Suraci, D. R. Stahler, T. P. Duane, and C. C. Wilmers. 2020. Gray wolf habitat use in response to visitor activity along roadways in Yellowstone National Park. Ecosphere 11(6):e03164. 10.1002/ecs2.3164
http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/ecs2.3164/full