Les pollinisateurs sont attirés par l’humidité, pas seulement par l’odeur

L’humidité est aussi importante que l’odeur pour attirer les pollinisateurs vers une plante, selon de nouvelles découvertes. Elles pourraient faire progresser la biologie fondamentale et ouvrir de nouvelles voies pour soutenir l’agriculture, face au défi du changement climatique.


En règle générale, un pollinisateur détecte l’odeur d’une fleur et suit le gradient de concentration du produit chimique produisant l’odeur jusqu’à la fleur. Les espèces végétales pollinisées par les abeilles et les mouches ont des parfums sucrés et celles pollinisées par les coléoptères ont de fortes odeurs de moisi, d’épices ou de fruits.

C’est pourquoi, les études sur la biologie de la pollinisation se concentrent  souvent sur les aspects visuels et olfactifs de l’attraction, avec peu d’études portant sur les réponses comportementales et l’adaptation morphologique à d’autres facteurs comme l’humidité au sein de la fleur.

Récemment, une équipe de chercheurs de Cornell, Harvard et du Montgomery Botanical Center a découvert que le charançon responsable de la pollinisation de la plante Zamia furfuracea était tout aussi sensible à l’humidité qu’à l’odeur dégagée par la plante. Leur travaux sont publiés dans la revue dans Current Biology.

Un monde à part

Originaire du Mexique, Zamia furfuracea est une plante tropicale voisine du cycas et dont certaines espèces fournissent une fécule alimentaire appelée sagou. Elle ressemble à la fois à un palmier et une fougère, ce qui lui vaut le surnom de palmier en carton. Sa floraison se présente sous forme de cônes polliniques.

Shayla Salzman, auteur principal, déclare dans un communiqué : « Le monde des interactions plantes-insectes a été radicalement changé par le travail effectué sur les signaux visuels et olfactifs.  Maintenant, nous commençons tout juste à réaliser combien d’autres facteurs jouent un rôle dans la reproduction des plantes et ont un impact sur la prise de décision, la pollinisation et le succès des insectes ».

Dahake a été le premier auteur d’une  étude révolutionnaire publiée en 2022  dans Nature Communications qui a révélé que l’humidité agissait comme un signal pour encourager les sphinx à polliniser la fleur de datura sacrée (Datura wrightii). Prises ensemble, les études démontrent que deux plantes très éloignées utilisent activement l’humidité pour encourager la pollinisation.

Les scientifiques ont toujours considéré l’humidité comme le résultat de l’évaporation du nectar. Dahake explique : « Ce que nous avons découvert, c’est qu’il s’agit d’un processus actif de la fleur, passant par des cellules spécialisées. Ces organismes peuvent avoir évolué pour privilégier cette libération d’humidité, car elle attire les pollinisateurs ».

En effet, la plante produit un nuage localisé d’humidité, supérieure à l’humidité ambiante autour des cônes polliniques. Cette morphologie reproductive des plantes concentre l’humidité à la manière d’une piste d’atterrissage pour les insectes. Quant aux antennes des pollinisateurs, elles présentent une morphologie spécifique associée à la détection de l’humidité.

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Graphique résumant l’étude. © S. Salzman et al., 2023

Jusqu’à présent, l’étude de la pollinisation et des interactions plantes-insectes s’est concentrée sur les marqueurs visuels et olfactifs, des sens que l’homme peut également interpréter. Cependant, les insectes  sont beaucoup plus aptes que les humains à détecter les changements d’humidité, de dioxyde de carbone et de température.

Face au changement climatique, quelles conséquences ?

Salzman explique : « Le changement climatique a un impact direct sur ces mécanismes. Il est crucial que nous comprenions comment les insectes utilisent toutes ces informations dans leurs interactions avec les plantes ».

Les auteurs suggèrent que les agriculteurs et les distributeurs de produits alimentaires pourraient utiliser ces informations pour encourager la pollinisation des cultures vivrières, éloigner les insectes des aliments stockés ou les diriger vers des pièges.

Alors que les humains ont besoin de changements d’humidité relativement importants avant de pouvoir sentir une différence, les insectes peuvent ressentir de minuscules changements.

Dahake conclut : « Les insectes ont des récepteurs spécialisés qui réagissent à de très petits changements d’humidité : même un changement de 0,2 % à 0,3 % provoquera le déclenchement d’un neurone. Qu’est-ce que cela signifie ? Nous commençons à peine à le découvrir ».


Source : Shayla Salzman et al, Cone humidity is a strong attractant in an obligate cycad pollination system, Current Biology (2023). DOI: 10.1016/j.cub.2023.03.021